La SNSM redevient constructeur naval du futur canot tous temps de Saint-Malo

Après la faillite du chan­tier chargé de sa construc­tion, le « SNS 005 » était resté à l’état de coque nue. Le Pôle de soutien de la flotte de la SNSM a décidé de le termi­ner, ce qu’il n’avait pas fait depuis 2009. Le canot tous temps a été remorqué en juin 2022 de Caran­tec à Saint-Malo.

Le SNS 005 remorqué par le SNS 295
Le "SNS 005" remorqué par le "SNS 295 Président Michel Morvan" jusqu’au port de Roscoff après sa mise à l’eau © SNSM

Répa­rer un bateau victime du passage d’un cyclone, la SNSM sait le faire. Réali­ser de gros travaux pour en doubler la durée de vie aussi. Mais livrer un bateau neuf, elle ne s’y était pas essayée depuis treize ans. C’est pour­tant ce à quoi elle se prépare en livrant à la station de Saint-Malo un nouveau canot tous temps, qui rempla­cera le SNS 072 Pourquoi pas ? II d’ici le prin­temps 2023.

Portant le matri­cule SNS 005, ce canot tous temps, cinquième et dernier de la série des CTT nouvelle géné­ra­tion de 17,80 mètres de long, était en construc­tion au chan­tier Sibi­ril Tech­no­lo­gies de Caran­tec (Finis­tère). En grave diffi­culté, ce dernier n’a pu échap­per au redres­se­ment judi­ciaire, puis à la liqui­da­tion et à la ferme­ture défi­ni­tive en février 2022. En son sein, la coque du futur SNS 005 à l’état brut, inca­pable de flot­ter. Mais pas ques­tion de l’aban­don­ner ! La SNSM l’at­ten­dait depuis trop long­temps et l’avait déjà large­ment financé, ainsi qu’une grande partie de ses équi­pe­ments.

Comment termi­ner ce bateau ? Pour­suivre la construc­tion sur place n’étant pas possible, déci­sion fut prise de récu­pé­rer la coque et de l’ache­mi­ner par la mer à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), au Pôle de soutien de la flotte (PSF). Avec le service de soutien de la flotte (SSF) de la Marine natio­nale et la direc­tion tech­nique de la SNSM, il entre­tient et répare les canots, vedettes et semi-rigides de l’as­so­cia­tion et assure le passage en moder­ni­sa­tion caré­nage – pratique­ment une recons­truc­tion partielle – des plus grosses unités de la flotte arri­vées au milieu de leur carrière. Il réunit donc les compé­tences pour ache­ver la construc­tion.

Boucher des trous, instal­ler un gouver­nail, lester la coque…

Encore fallait-il rendre le SNS 005 capable de prendre la mer pour être remorqué jusqu’à Saint-Malo. La petite ving­taine de sala­riés du PSF se sont donc relayés pendant trois semaines sur l’ex-chan­tier Sibi­ril – loué par la SNSM – pour le prépa­rer au départ. « J’étais chargé de repé­rer et d’ins­pec­ter tout le maté­riel destiné au bateau et de récu­pé­rer les archives concer­nant la SNSM », explique par exemple Romain Cambon, respon­sable logis­tique au sein du PSF.

D’autres ont préparé la coque et se sont occu­pés de la trans­fé­rer sur le chariot de mise à l’eau du chan­tier. Il a surtout fallu en boucher les trous, avec de la résine poly­es­ter, ou monter provi­soi­re­ment une partie des équi­pe­ments prévus, tels qu’arbres d’hé­lices, gouver­nails, propul­seur d’étra­ve… Sans oublier d’ajus­ter de grands morceaux de contre-plaqué sur les empla­ce­ments prévus pour les vitrages, ou encore d’ins­tal­ler les équi­pe­ments pour amar­rer la coque et la remorquer.

Pour autant, le bateau n’était pas encore prêt à flot­ter. Vide de tout équi­pe­ment et par consé­quent trop léger, il aurait chaviré. Plus de deux tonnes de gueuses, en fonte, ont donc été arri­mées au fond de la coque et les cuves à gasoil ont été remplies de quelques deux mille litres d’eau afin de l’alour­dir suffi­sam­ment et d’as­su­rer sa stabi­lité en mer. Il a aussi été équipé de deux moto­pompes, de maté­riel incen­die et de feux de navi­ga­tion pour parer à toute éven­tua­lité pendant le tran­sit.

Après un labo­rieux désen­sa­ble­ment de la cale du chan­tier, le SNS 005 a été mis à l’eau le 14 juin 2022 et remorqué par la vedette SNS 295 Président Michel Morvan de Roscoff, ainsi que par le semi-rigide de Saint-Malo SNS 728 Gildas Cuny, jusqu’au port de Roscoff, tout proche. Il y a été pris en remorque le lende­main matin par le canot tous temps SNS 064 Président Joseph Oulhen de l’Aber Wrac’h, assisté du SNS 728. Malgré de forts courants de marée, il ne lui a fallu qu’une douzaine d’heures pour parcou­rir la centaine de milles marins (envi­ron 185 kilo­mètres) qui le sépa­raient de Saint-Malo, où le Pourquoi pas ? II l’a accueilli.

« La météo était idéale, les safrans du SNS 005 avaient été très bien calés et il avançait tout droit, appré­cie le patron du SNS 064, Yves Prigent. Comme prévu, l’équi­page du SNS 728 a pu monter à bord à trois reprises pour véri­fier que tout allait bien.  » Sorti de l’eau, le SNS 005 est entré dans les ateliers du PSF dès le lende­main.

Grutage du SNS 005 à son arrivée au port de Saint-Malo
Grutage du SNS 005 à son arri­vée au port de Saint-Malo © SNSM

« On part d’une coque nue » Baptiste Fantin, direc­teur tech­nique de la SNSM

« Il reste beau­coup à faire sur le SNS 005 », juge Fabien Albi­nana. Ce spécia­liste des maté­riaux compo­sites et des revê­te­ments qui consti­tuent la coque du navire sait de quoi il parle. D’ailleurs, en la peignant à Caran­tec pour la traver­sée, il a « déjà repéré des choses à reprendre ». Le chan­tier s’an­nonce long et complexe. « On part d’une coque nue, pour en faire un navire de sauve­tage hautu­rier équipé jusqu’au casque du sauve­teur  », abonde Baptiste Fantin, direc­teur tech­nique de la SNSM. Mais ses services ont la capa­cité de mener à bien cette mission. « Sur les trois bateaux qui étaient en construc­tion chez Sibi­ril au moment de sa ferme­ture, seule la SNSM a été en mesure de récu­pé­rer le sien pour le finir. Nous le devons aussi aux béné­voles qui nous ont sacré­ment aidés à convoyer le bateau jusqu’à Saint-Malo.  » Concrè­te­ment, le PSF et la direc­tion tech­nique vont procé­der à une véri­table « réin­dus­tria­li­sa­tion » du projet. «  Nous avons tous les péri­phé­riques du bateau à conce­voir ou à instal­ler  », résume le chef d’éta­blis­se­ment du PSF, Antoine Gallais, en évoquant « la moto­ri­sa­tion, l’élec­tri­cité, l’élec­tro­nique et tout l’ar­me­ment du canot »

Article rédigé par Domi­nique Malé­cot, diffusé dans le maga­zine Sauve­tage n°161 (3ème trimestre 2022)